Coprologie

[Coprologie] De l'utilité du caca dans la vie en général et dans les sciences en particulier

poop
Le 1er Avril dernier, la fière équipe de Podcast Science préparait une émission radio dessinée dont elle a le secret. Le thème était le caca, ce qui en a dérouté plus d'un qui, du fait de la date, s'attendait plutôt à un canular. Mais que nenni, l'évènement s'est bel et bien tenu au sein du prestigieux Palais de la Découverte:

Podcast Science: Les secrets du caca
Les sceptiques auraient cependant dû se douter de la vraisemblance du schmilblick! Nous avions en effet déjà évoqué en émission radio-dessinée la bouffe, l'alcool et l'amour: on allait tout de même pas négliger ainsi une fonction essentielle de la vie humaine! Je vous invite chaudement à écouter les chroniques réalisées par Irène, Claire, Vincent, Robin, Johan et votre humble serviteur:


Vous pourrez également trouver les illustrations réalisées par les live-sketcheurs Héloïse, IntiMél, Phiip LapinVran et Prof Seedious ici. Si vous n'avez pas envie de chercher  sur les deux heures le moment où je m'exprime, vous pouvez sauter directement sur ma contribution merdique en suivant ce lien (les illustrations qui concernent ma partie sont compilées ici).
Comme à mon habitude, le concept de Podcast Audio semble largement me dépasser et j'ai ainsi agrémenté ma chronique de nombreuses illustrations et gifs animés que je vais donc restituer ici, tout en glissant quelques informations supplémentaires, vidéos pertinentes et gifs de bon aloi. Voici donc mon script augmenté pour ma chronique qui avait pour objet de révéler les multiples utilités du caca!

De l'utilité individuelle du caca

Alors enfin, la voilà! L’émission de Podcast Science tant attendue. Ah il en a fallu du temps à tourner autour du pot… Alors certes oui, j’avais déjà pu glisser une allusion à une habitude coprophage ici, une référence à des odeurs intestinales par là… mais rien de bien consistant. Aujourd’hui, enfin, je vais pouvoir exprimer tout mon potentiel scatologique. Le voilà donc le moment où je vais pouvoir libérer le côté obscur, déposer des copains à la piscine, faire tourner la guillotine à boudin pour nourrir la porcelaine… Mais, comme dit l’arachnide, “un grand pouvoir implique de grandes responsabilités”. Je vais donc tâcher de ne pas seulement assouvir mes besoins de partager ma fascination pour les matières fécales, mais tenter de répondre à des questions existentielles, avec classe… et distinction... Comme par exemple répondre à la question: Qui c’est qui chie le plus fort? C’est l’hippopotame ou l’éléphant?

Elephant avec problème gastrique
Hippopotame, hélicocrotte
Pardon… ça m’a échappé. Mais profitons tout de même de ce petit écart de conduite pour se poser une question: pourquoi donc l’hippopotame représenté ici, joue-t-il à l’hélico-crotte avec sa queue?  Et bien figurez-vous que cette question et celles qui suivront, nous permettront d’explorer ensemble quelles peuvent être les multiples utilités du caca hormis celle d’évacuer le surplus des repas trop riche de tante Hortense. C’est en parcourant les pages de wikipédia que nous commençons donc par apprendre que cette curieuse pratique de l’hippopotame est essentiellement retrouvée chez les mâles qui délimitent ainsi leur territoire en projetant à plusieurs mètres leurs excréments, fèces et urines, en accompagnant, je cite, “leur évacuation d'un rapide mouvement circulaire de leur queue en forme de pinceau.”

Hippopotame, hélicocrotte


Bien loin des popos d’hippopotames, de nombreuses espèces de guêpes parasitaires,utilisent les excréments pour traquer leurs hôtes: de dodues chenilles dans lesquelles elles pondent leurs œufs.

Ooencyrtus nezarae
Tant et si bien qu’au cours des générations, certaines chenilles ont acquis de merveilleuses structures, comme ce peigne anal qui leur sert… de catapultes à crottes, ou pour être plus précis, de canon à pression hydraulique.

Peigne anal de la chenille Calpodes ethlius
C’est en tout cas les conclusions d’une étude très sérieuse ayant déterminé la dynamique des étrons déféqués puis propulsés par la chenille Calpodes ethlius.

Dynamique de propulsion fécale chez Calpodes ethlius
Mais parfois les crottes servent à créer d’inélégantes mais efficaces méthodes de camouflages.

Oulema-melanopus adulteOulema melanopus larvaire
C’est ainsi que les larves du Léma à pied noir, un coléoptère ravageur des céréales et arborant des couleurs criardes, s’enduisent de leurs excréments pour camoufler leur apparence mais aussi leur odeur.

Oulema melanopus larvaire
Oulema melanopus larvaire
Oulema melanopus larvaire

De l'utilité du caca dans les écosystèmes

Avec ces exemples, n’allez pas croire que le caca n’a que des utilités individuelles. La nature est généreuse et les crottes peuvent participer à l’élaboration d'écosystèmes complexes. En comparant les prouesses de défécation entre hippopotames et éléphants, il semblait que les hippopotames étaient à admirer par leur utilisation exotique de leur queue et de leurs bouse. Mais celles des éléphants sont également intéressantes car elles offrent logis et couverts à un nombre conséquent d’invertébrés… mais aussi de vertébrés! En effet, un chercheur a découvert que plusieurs espèces de grenouilles campaient fièrement dans les immondices de pachydermes, certainement attirés par les insectes qu’ils pouvaient y trouver, mais aussi par la texture plus accueillante des excréments d’éléphants comparés à ceux de bovidés.

Crottes d'éléphants
Grenouille dans crotte d'éléphant
Grenouille dans crotte d'éléphant
Cette découverte a d’ailleurs été publiée dans un article dont le titre est pour le moins éloquent: “Shit Happens (to be Useful)! Use of Elephant Dung as Habitat by Amphibians”.

Shit happens (to be useful)! Use of elephant dung as habitat by amphibians

Mais les crottes peuvent également participer à l’élaboration de paradisiaques paysages.Voyez cette plage de sable blanc et fin.

Plage, Hawaii
Ne vous êtes vous jamais demandé quel miracle de la nature pouvait en être à l’origine? Et bien l’essentiel de ce sable provient de récifs de coraux situés non loin de ces plages. Ces coraux sont régulièrement râpés par des poissons-perroquets qui se nourrissent des algues proliférant sur ces concrétions de calcaires. Ce calcaire est donc broyé par les becs et le système digestif de ces poissons et expulsés à l’arrière dans une pluie de sable paradisiaque!

Poisson perroquet
Poissons perroquets
Poisson perroquet chie du sable
Et oui, il l’a fait: il a réussi à transformer vos vacances à Hawaï en une opportunité de considérations scatologiques. Ne me remerciez pas…

 


Mais quitter les plages avec votre Catamaran pour vous isoler au milieu des océans ne vous épargnera pas non plus! Dans l’océan, les crottes et les cadavres des innombrables créatures qui le peuple participent à un joli phénomène qui s’appelle la neige marine et qui permet de déplacer une quantité importante des nutriments de la surface vers les profondeurs.
 

Neige marine
Mais une partie des ressources pompées, comme l’azote, peut se retrouver coincée dans les abysses. Heureusement qu’interviennent… les baleines et la quantité fantastique de fèces qu’elles relarguent préférentiellement à la surface, au moment où elles reprennent leur souffle.

Crottes de baleine
Vu qu’elles se nourrissent souvent de créatures peuplant les zones profondes de l’océan, les baleines constituent une sorte de pompe en sens inverse de la neige marine, permettant d’ensemencer la surface de bons engrais pour les phytoplanctons.

Ensemencement crottes baleine

De l'utilité économique du caca

Mais le contenu intestinal des baleines, et surtout des cachalots, est également une denrée rare qui peut valoir plusieurs dizaines de milliers d’euros.

Ambre gris
En effet, dans les entrailles de ces bêtes, les concrétions solides issus de leur alimentation (essentiellement des calmars géants qui sont dotés de bec chitineux) peuvent s’agréger entre-elles, se coincer dans un méandre de l’intestin et maturer sous les jets intermittents des sécrétions de leur vésicule biliaire. Ces calculs sont relâchés soit par une déjection qu’on imagine difficile, un vomissement particulièrement déplaisant ou plus simplement par la mort de l’animal (qu’on imagine également assez déplaisante). Le calcul ira flotter à la surface des océans et parfois s’échouer sur une plage. Or, ces grosses concrétions ont une odeur inimitable et des propriétés fixatrices en parfumerie, qui en font, encore aujourd’hui une denrée rare, d’où son nom particulièrement poétique d’ambre gris.


Parfois, les excréments peuvent constituer une valeur marchande si importante qu’ils entraînent des guerres. Au XIXème siècle, les européens découvrirent les vertus fertilisantes du guano, les fientes de cormorans et autres oiseaux marins qui s’accumulent en strate sur les flancs de certaines îles du Pacifique.

Guano
A l’instar de la ruée vers l’or, il y eut une ruée vers les chiures de piafs qui entraina des mesures législatives improbables aux Etats-Unis, dotant n’importe quel citoyen le droit de revendiquer la possession de n’importe quelle île, tant qu’elle était juchée de guano et pas encore revendiquée par un autre pays.

Mines de Guano
Guano Act
Au large du Pérou, les îles Chinchas furent même le théâtre d’une guerre sanglante entre l’Espagne, le Pérou et le Chili. Et pourtant on le dira jamais assez: la guerre, c’est la merde!

 

De l'utilité scientifique du caca

Cependant, le guano ne sert pas qu’aux fermiers. Il peut servir aux scientifiques, notamment ceux qui s’intéressent aux manchots empereurs. Ces animaux charismatiques ont la fâcheuse caractéristique de vivre là où on se pèle grave les miches. Si un chercheur essaie de suivre les différentes colonies de manchots à travers le globe, il faut espérer qu’il aime ce genre de conditions extrêmes. On peut imaginer leur frustration s’ils font tout le chemin pour constater que la colonie a récemment migré. Pour palier cela, certains malins ont remarqué que le guano de ces gros piafs se détache vachement sur la banquise, surtout vu d’en haut… très très haut, puisqu’on peut à vrai dire traquer le guano déposé par des colonies de manchot empereur depuis l’espace!

Guano de manchot observé depuis l'espace
Résultat, à travers l’étude minutieuse de clichés pris par des satellites, une équipe a découvert 10 nouvelles colonies de manchots empereur, dont une récemment confirmée de visu.

Colonie de manchot confirmée de visu
Vous comprenez maintenant à quel point le caca est important pour la recherche. Et ce n’est pas seulement pour le cas extrême de la recherche sur les manchots! Aujourd’hui, dans d’innombrables laboratoires travaillant sur la drosophile (la fameuse mouche du vinaigre), des chercheurs distinguent une mouche femelle vierge d’un seul coup d’œil, en vérifiant si celle-ci possède un méconium, une tâche sur l’abdomen témoignant des derniers excréments de la larve qui n’ont pu être évacués avant sa métamorphose.

Méconium de drosophile
Pratique la crotte de mouche!Dans un autre registre, des biologistes de synthèses, les fameux bio-hackers, pensent pouvoir améliorer notre futur à l’aide de bactéries OGM. En 2009, une équipe de biohackers a ainsi créé des souches bactériennes altérées d'Escherichia coli, surnommées E. chromi, et capables de synthétiser différents pigments en fonction de la composition de leur milieu de culture.

Image10
En s’alliant avec une équipe de designers, ils ont élaboré un projet d’application future de leurs souches OGM: des boissons de probiotiques capables d’indiquer la santé des consommateurs… en fonction de la couleur de leurs excréments.

E.chromiScatalogue

Ainsi, si la flore intestinale détecte telle ou telle présence virale ou bactérienne dans les boyaux, l’étron résultant arborera telle ou telle couleur pour en informer les utilisateurs.


Et c’est sur cette perspective d’un avenir radieux autour d’excréments colorés que je conclurai cette chronique qui si j’en jauge bien l’état de pure consternation de mes camarades podcast-scienteux, risque d’être la dernière. Je m’excuse donc d’avoir merdé...

That'all poop

Liens:
Article Featured Creature
Article Twisted Sifter
Article Digital Journal
Article Code for Life
Article Culturing Science
Article Tetrapod Zoology
Article The Week
Article Discoblog
Article 99pi
Article The Atlantic
Article Everyday Biology

Références:
Campos-Arceiz, A. (2009). Shit Happens (to be Useful)! Use of Elephant Dung as Habitat by Amphibians. Biotropica, 41(4), 406-407. doi: 10.1111/j.1744-7429.2009.00525.x
Caveney, S., McClean, H., & Surry, D. (1998). Faecal firing in a skipper caterpillar is pressure-driven. The Journal of Experimental Biology, 201(1), 121-133.  (link)
Fretwell, P., & Trathan, P. (2009). Penguins from space: faecal stains reveal the location of emperor penguin colonies Global Ecology and Biogeography, 18 (5), 543-552 DOI: 10.1111/j.1466-8238.2009.00467.x

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