Science

Le Kama Sutra des Dinos


Tyrannosaurus Sex, Jurassic Museum of Asturias
On y vient enfin: après avoir abordé la question de leurs bijoux de famille, après avoir spéculé sur la manière dont les mâles Sauropodes et Tricératops se fracassaient la tronche pour accéder aux femelles, on arrive enfin au moment où l’on va se poser la question qui nous intéresse tous! Comment besognent donc les dinosaures?
C’est l’occasion de remettre cette petite bande annonce parue sur la page Facebook de Strip Science et qui a aiguisé la curiosité de nombreux internautes:


Encore une fois, avant de jouer aux Lego™ avec les os des fossiles de dinosaures pour voir comment ils s’emboitaient, il est important de comparer la situation observée chez les organismes les plus proches des dinosaures en terme de liens de parenté. Et du coup, je vous ressers la phylogénie des Sauropsidés qu’on avait utilisée pour jauger le gabarit des Sauropodes:

Phylogénie des Sauropsidés


L’idéal serait donc de jouer les voyeurs chez les Lépidosauriens (lézards et serpents), les Crocodiliens et les Oiseaux. Commençons donc avec les plus éloignés des dinosaures: les Lépidosauriens. Histoire de réaliser une bonne comparaison, il faut s’attaquer à du bon bestiau pour se permettre de transposer la situation aux dinosaures les plus massifs: pour cela, on peut utiliser le plus grand des lézards, j’ai nommé  le Dragon de Komodo (la comparaison avec les serpents, qui peuvent être plus grands et massifs, est peu pertinente vu qu’à ma connaissance, tous les dinosaures ont gardé leurs pattes – du coup niveau Kama Sutra, on voit mal un Tyrannosaure se tortiller sur le sol pour aller serrer sa donzelle…).
Chez les Dragons de Komodo, le sexe c’est plutôt lazy… Le mâle approche la femelle, griffouille son dos pour lui indiquer son intention, puis place son pied droit sur le dos de la femelle, glisse sa queue (l’appendice caudal hein, pas son phallus) sous celle de la femelle puis insère son hémi-pénis droit dans le cloaque de la femelle.

En résumé, chez les lézards, la reproduction c’est plutôt version sex-buddy: on est pote et on couche nonchalamment:

Copulation chez V. komodoensis, Judith Bryja, Houston Zoo
Cette position de flemmard, qu’on appellera position de ‘la patte sur le dos de la pote’ (PDP), est très répandue chez les lézards. Cependant, la comparaison avec les dinosaures est difficile: ceux-ci n’avaient probablement pas d’hémipénis qui est une innovation évolutive des Squamates, et leur structure vertébrale était plus rigide que celle des lézards ce qui peut les disqualifier pour une comparaison rigoureuse. Mais bon, on garde la PDP sous le coude (ce qui devient une position franchement plus acrobatique) car elle est aussi répandue chez d’autres animaux.
Les crocodiles par exemple, quand ils se reproduisent sur la terre ferme, semblent préférer cette position. Le problème avec la comparaison avec les crocodiles, c’est qu’il semble qu’ils ne se reproduisent que très rarement sur la terre ferme: s’ils le font, c’est souvent pendant des sècheresses ou lorsqu’ils sont dans un point d’eau surpeuplé…
A vrai dire, on sait peu de choses sur les positions sexuelles employées par les crocodiles car ils s’accouplent presque totalement immergés dans des eaux vaseuses dans lesquelles la visibilité est limitée. Cependant, même sous l’eau, la PDP semble aussi avoir ses adeptes:

Accouplement d'alligators d'Amérique (haut) et de Caïmans à lunette (bas), Vladimir Dinets
Mais bon, vu que la majorité des dinosaures était terrestre, autant dire que les acrobaties sexuelles aquatiques des crocodiles sont d’une pertinence vraiment limitée pour les confronter avec celles qu’auraient pu effectuer les dinosaures sur la terre ferme…

Reste donc les oiseaux. Comme nous l’expliquait Vran dans son article décrivant leurs parties génitales, la grande majorité d’entre eux réalise une fécondation directement de cloaque à cloaque, les mâles ayant perdu leur phallus au cours de l’évolution (c’est ballot…). Du coup, ils adoptent une position originale: le mâle monte la femelle de manière “Dorso-Ventrale”. Le mâle s’aide souvent de ses ailes pour se stabiliser sur la femelle qui, elle, est allongée sur le ventre.

Non-Coït aviaire (poule/coq). Le dépôt de sperme par le mâle se fait directement dans cloaque femelle, sans pénétration.
Et même quand l’oiseau possède un phallus (c’est à dire chez les struthioniformes, les anhimidae et les cracidae), et donc comme chez l’autruche, la position reste similaire:

Copulation chez l'autruche

Mais là encore, la comparaison est bancale (et ça peut être très douloureux pour une position sexuelle!): En effet, l’absence de phallus est problématique pour la comparaison mais c’est surtout l’absence de queue (appendice caudale… pfff, ça va être lourd cette confusion à la fin) qui restreint tout rapprochement avec les dinosaures.

Bon ben merci les cousins, hein! Vachement informatif! On fait quoi maintenant pour trouver des informations?

Et bien, même s’ils sont beaucoup plus éloignés des dinosaures que les espèces dont on vient de discuter, les mammifères offrent l’avantage de présenter des cas de copulation avec des spécimens comparables en taille et poids avec les dinosaures de la catégorie poids lourd. Observer la situation chez le Rhinocéros et l’Eléphant, ça peut permettre de s’imaginer comment un Triceratops faisait son affaire. Et bien dans ce cas là, les Triceratops devaient le faire “Doggy Style” parce que voici à quoi ça ressemble chez les Rhinos:

Copulation chez les Rhinocéros, West Midland Safari and Leisure Park, Worcestershire, UK.


Et la situation est la même chez l’Eléphant:

Copulation chez l'Eléphant, Hans Orbons
Du coup on se représenterait la scène chez les Tricératops comme suit:

image
Mais là encore, les mammifères, comme les oiseaux, n’ont pas de queue (APPENDICE CAUDAL!) de gabarit comparable avec celle des dinosaures, ce qui limite les similarités avec eux… On en vient à devoir privilégier une position pour raison mécanique plutôt que par relations de parenté (les oiseaux) ou par dimensions (Rhinocéros et Eléphants). Et pour l’instant, il semble que la technique la plus pratique pour pallier la présence d’un appendice caudal, c’est la PDP. On avait donc bien eu raison de se la laisser sous le coude: cela nous permet d’établir un modèle où la majorité des dinosaures adoptait cette position pour perpétuer leur espèce (jusqu’à se ramasser un seau d’eau cosmique). Par conséquence, on obtient un Kama Sutra assez monotone:



Postures sexuelles pour (a) Velociraptor mongoliensis; (b) Baryonyx walkeri (c) Olorotitan arharensis et (d) Styracosaurus albertensis, Isles 2009

Postures sexuelles pour (a) Velociraptor mongoliensis; (b) Baryonyx walkeri (c) Olorotitan arharensis et (d) Styracosaurus albertensis, Isles 2009

 

Heureusement pour nous, la faune dinosaurienne est remplie d’exemples où la PDP est difficilement envisageable: du Strange et du Funky en perspective!

Premier exemple, les Stégosaures:

 

Lexovisaurus_vs_Allosaurus_by_dustdevilDessin d’Alain Bénéteau


Si ces herbivores aux plaques osseuses redoutables pouvaient vraisemblablement se prémunir des attaques de prédateurs, comment s’y prenaient-ils pour se reproduire? Voici le genre de questions qui donnent aux paléontologues des nuits d’insomnie… et des idées de strips pour Lison:

 

Illustration Lison

Cliquez pour agrandir


(Parenthèse: c’est grâce à ce dessin de Lison, qui cherchait un blogueur pour écrire un article autour, que l’idée de la semaine Spéciale Sexe et Dinosaure a germé: merci à elle donc!)

Les Thyréophores (famille à laquelle appartiennent les Stégosaures) sont donc un casse tête pour les sexo-paléontologues qui se mettent en chasse des exemples similaires chez les animaux actuels. Les exemples qui sautent à l’esprit, ce sont bien sûr les mammifères comme le hérisson ou le porc-épic (une belle convergence évolutive déjà parue sur SSAFT). Ceux-ci sont capables, à la manière d’autres mammifères, d’assumer la position de levrette classique, bien qu’elle soit réalisée avec un peu plus de précaution… N’en déplaise à cette pub devenue culte:


La situation réelle ressemble plutôt à cela (avec des porc-épics albinos… parce qu’on est quand même sur SSAFT là, hein!)


Mais encore une fois, c’est sans compter l’épineux problème de la queue! Et chez les Stégosaure, c’est une queue sérieusement épineuse!

Queue de Stégosaure
Les Paléontologues en sont donc réduits à ne laisser place qu’à leur imagination… Et la moindre des choses que l’on puisse dire, c’est qu’ils ne sont pas en panne (ha ha) sur le sujet. Voici quelques hypothèses (sérieuses et moins sérieuses) envisagées à l’heure actuelle:

Le Tango:
Le Tango des Stégosaures
Le Stégosaure couche toi là:
Patrick Redman
Et la plus saugrenue, le frotte fesse:

Frotte fesse Frotte fesse, Brad McFeeters


Deuxième exemple, les Sauropodes:


Pour cet exemple-ci, les paléontologues se heurtent au problème du poids de ces monstrueux dinosaures. Considérez que si la scène suivante entre deux Brachiosaures était réaliste (les spécimens de cette espèce pesant entre 20 et 30 tonnes) cela signifie que la femelle devait supporter un sacré poids sur son dos, et que les pattes arrières du mâle devaient soutenir près de la moitié de son poids sans fléchir.
 Brachiosaure, Sauropod-Style
Certains paléontologues en viennent à douter que cette position ait pu être adoptée par les plus grands et lourds spécimens de Sauropodes, et proposent alors que ceux-ci devaient plutôt copuler dans des lacs ou autres larges points d’eau… se la jouer hôtel de luxe et jacuzzi en somme! Vous imaginez un peu les remous?



Brachiosaure copulants, Isles 2009


Sauropodes copulants, José Antonio Penas
Bien sûr, cette hypothèse implique de nombreuses contraintes, comme par exemple la présence fréquente de ces points d’eau à la profondeur nécessaire pour les ébats. Autre problème: des chercheurs ont estimé que la plupart des sauropodes devaient être très peu submersibles, leur flottabilité ayant dû être trop importante pour qu’ils puissent s’immerger de manière stable… Le mystère reste donc entier pour le cas des plus gros Sauropodes…

Dernier exemple, le Tyrannosaure!


A vrai dire, ce cas-là présente moins de soucis pour sa reconstitution, mais comme il s’agit d’un dinosaure-star, il mérite qu’on lui dédie 2 vidéos avec au menu baston de T-rex, cannibalisme et … gazouillis (vous pouvez enclencher les sous-titres… c’est pas top mais c’est mieux que rien).

 

 

Digression…sexuelles!


Nous voilà donc mieux renseignés sur les mœurs des dinosaures… Mais tout ça est bien académique, ma foi! On ne parle que des positions les plus traditionnelles ici! Or, si le petit dinosaure dans sa vallée des merveilles m’a bien appris quelque chose, c’est que l’amour n’a que faire de la barrière de l’espèce:


Petit-Pied et Céra

Ne cliquez pas sur l’image si vous ne voulez pas gâcher votre enfance…


J’ai beau eu chercher, je n’ai pas trouvé d’articles sur le sujet. Et pourtant on connait pas mal d’exemples de déviance sexuelle chez les oiseaux (qui sont, rappelons-le, les dinosaures qui ont survécu au cataclysme du crétacé/tertiaire). L’exemple le plus connu, c’est le fameux cas du canard colvert homosexuel nécrophile dont l’analyse du comportement a valu un prix IgNobel au chercheur qui l’a effectuée! Voici d’ailleurs les photographies qui ont documenté ce comportement étrange:


Comportement d'homonecrophilie chez Anas platyrhynchos
D’ailleurs les exemples de canards à la sexualité Strange pullulent! Observez ce spécimen en train de gentiment besogner un golden retriever…


Si on peut faire une corrélation entre les comportements copulatoires de certains canards et ceux des dinosaures, y’a des scènes particulièrement perturbantes que l’on pourrait en retirer… De quoi attendre avec impatience le prochain Jurassic Porn!

Liens:
Article io9
Article Boing Boing
Article Smithsonian
Article Dinosaur Tracking
Article Tetrapod Zoology
Galerie d’images sur Herpy
Prix IgNobel 2003

Références:
Alexander, R. M. 1989. Dynamics of Dinosaurs & Other Extinct Giants. New York: Columbia University Press. pp. 57-58

Bakker, R.T. 1986. The Dinosaur Heresies. Kensington Publishing Corp: New York. p. 337

Isles, T. E. 2009. The socio-sexual behaviour of extant archosaurs: implications for understanding dinosaur behaviour. Historical Biology 21, 139-214.
Moeliker, C. W. 2001. The first case of homosexual necrophilia in the mallard Anas platyrhynchos (Aves: Anatidae). Deinsea 8, 243-247.
Tanke, D., Currie, P. 1998. “Head-biting behavior in theropod dinosaurs: paleopathological evidence.” Gaia. 15: 167-184

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